Voyage à Buenos Aires / Eté 2012
Première Partie
Le voyage / Compartido / Première soirée / Déception / Milongas / Le " Cabeceviol " / La "canne"
Mon quartier / Plein de photos / La misère / Escapade à Iguazu / Incredible Gilda
Les Bouquinistes / Les Murs de la ville
Deuxième Partie. Pour aller au menu : cliquez
Autres Milongas / Une Confiteria pas vraiment idéale / Les Musiques / Quelle classe ces Argentins !
La Crise / Folklores / Mataderos / Un Musée / La " Bonne Bouffe " / La Aurora del Tango
L'incomparable Pugliese / et une petite conclusion de ce superbe voyage
Le Voyage
Cette année une première, plus précisément une première sur l’Argentine : je pars avec Lufthansa. Après avoir connu la pagaille d’Alitalia, les huit jours de retard de livraison des bagages chez Iberia et goûté une mieux certain chez Air France, cette année je renoue avec cette compagnie que je n’ai pas pris depuis … vingt ans. A l’aéroport de Francfort, rien de plus simple : un déficient côté neuronal s’en sortirait avec maestria. Rien à voir avec le jeu de piste de Roissy. Dans le hall d’embarquement, une cinquantaine de jeunes allemands, attendent avec une impatience relativement bruyante. A côté de moi, un chuintement caractéristique attire mon attention. Trois mamies globalement vieilles mais totalement pétries de dignité, s’inquiètent, en appuyant le « che » en usage à Buenos Aires, du manque de tranquillité prévisible du fait de cette jeunesse turbulente. Las ! Un groupe de jeunes Italiens, tous en tee-shirts jaunes et opèrent une jonction bruyante avec les premiers.
L’AFS : un programme d’échange où des jeunes partent dans une famille au bout du monde pour une période de six mois à un an. Les premiers étaient agités quoique allemands de nationalité, les seconds sont italiens et… cela s’entend. L’avion pendant le voyage connaitra une certaine animation... Mais ils sont tous très sympathiques, et la prise de contact est facile. Mon voisin parle un français quasi sans accent. Il est Argentin quoique un peu Suisse. Ce qu’il m’apprend confirme mes doutes concernant la situation de l’Argentine. On annonce que le pays est en plein redressement, et on pourrait s’attendre à ce que le taux de change soit moins favorable à notre devise : en fait il n’en est rien, tout au contraire. Cet homme, de commerce agréable, occupe une fonction importante dans l'administration. Il me raconte, en confidence, comment l’argent des retraites a été détourné, pour ne pas dire volé, par le gouvernement, et qu’en fait la crise ne fait que croître pour le peuple et les petites gens. Son salaire, augmenté un an plus tôt de 30%, ne lui permet plus, tant s'en faut, aujourd’hui, d’assumer le train de vie qu’il avait auparavant.
Pour détendre l’atmosphère il me raconte la blague suivante : « Un haut fonctionnaire Argentin rend visite à son homologue Français. Il s’extasie devant la maison de son hôte, la comparant à un petit hôtel particulier. Curieux il lui demande comment il a pu s’offrir une aussi jolie maison. Le fonctionnaire Français lui répond avec un air malicieux : - Tu vois le grand pont là-bas ? Et bien il y en a cinq pour cent dans ma maison…" Quelque temps plus tard, le fonctionnaire français rend la politesse à son homologue. Il est reçu dans une superbe hacienda avec quelques milliers d’hectares autour, et comportant une immense piscine, deux courts de tennis, un golf, un terrain de polo et piste d’atterrissage privée. Il s’étonne à son tour : - Mais comment avez-vous fait pour vous offrir tout cela ? - Tu vois le grand pont là-bas ? lui répond son collègue argentin - Ben non je ne vois rien - C’est normal, il y en a cent pour cent dans ma maison ». Une blague ... ?
Je la connaissais, mais racontée en ces circonstances elle prit une saveur toute particulière.
Passage à la douane, prise d’empreinte et photo : on ne risque pas de me perdre. Le flicage biométrique devient obligatoire pour tous dans tout le pays : la drogue et le trafic d'enfants ! Une bonne heure d’embouteillages voiture, et je suis arrivé. Le chauffeur du remise est sympathique et me fait la conversation. Il me confirme que tous les prix ont explosé à Buenos Aires et que c’est de plus en plus dur…
Compartido
Compartido : mon Espagnol vient de faire un énorme bond en avant ! Je découvre en arrivant que mon appartement, j’ai bien dis « Mon », est en fait une chambre et que le reste, salle de bain, cuisine, séjour est « compartido », partagé, avec la propriétaire. Ca commence très mal et je maudis la communication par internet. C’est vrai que ce n’était vraiment pas cher, j’aurais dû me méfier… Quelques coups de fil rageurs, on me propose un autre appartement, et pendant ce temps, ma propriétaire prend un air si malheureux et parait si gentille que je laisse tomber, et me prépare au pire avec résignation.
Erreur ! (une de plus) ! Gilda, c’est le nom de la charmante dame qui m’héberge, soixantaine très avancée et plutôt virevoltante, est en fait un vrai boute-en-train et une véritable Milonguera.
Une pile de disques s’entasse chez elle, la radio tango diffuse en continue, et elle chante tous ceux qui passent, avec quelques commentaires sur l’interprète et l’orchestre qui l’accompagnent.
Elle ne me confesse pas son âge, mais me dit qu’elle a un peu plus de quarante ans d’expérience de la piste (je la soupçonne d'avoir triché). On parle un peu tango, et quelque instants plus tard on se retrouve tous les deux à danser la Milonga dans le salon. Gilda est de compagnie très agréable, et semble tout connaître du monde du tango. En plus quand elle prépare un apéritif... Le pichet sur la photo, plein au départ d'un cocktail à faire danser le Mambo à un cul de jatte, savant dosage de gin, martini, et autres alcools tirés de son armoire aux trésors, est bien entamé, mais nous n'avons pas encore commencé les friandises : la soirée s'annonce... robuste ! Gilda, elle, parait toujours en forme, sortant en milonga quasiment tous les jours...
Moi qui arrive un peu fatigué, va falloir suivre, car je sens qu'elle a plein de choses à me faire découvrir...
Finalement le séjour ne s’annonce peut-être pas si mal que ça…
Première soirée
J’ai un programme bien défini pour ma première soirée, mais Miss 100000 volt en a décidé autrement ! Elle m’invite à l’accompagner à sa Milonga avant que j’aille faire un tour à La Baldosa, où j’ai projeté initialement de me rendre. Sa milonga s’appelle El Maipu et est installée dans la Casa de Galicia. Pas trop de monde, ambiance traditionnelle : les femmes d’un côté de la piste, les hommes de l’autre, mirada et cabaceo de rigueur. Des particularités : on ne se rejoint pas sur la piste, l’homme va jusqu’à la table de la cavalière, et l’y raccompagne évidemment à la fin de la tanda ; à l’ancienne… quel charme ! Bon, question âge, je suis plutôt dans la catégorie ado, par rapport à l’ensemble des hommes présents : c'est chouette d'avoir l'impression d'être jeune ! De jolies cavalières quinquas pour la plupart, incitent à l’invitation. Je danse avec Gilda, puis ensuite avec deux de ses copines. Apparemment une bande de célibataires aussi sympathiques que résolument endurcies. Gilda me confirmera, par la suite, sa vision, très « intermittente » de la vie de couple idéale… Je regrette simplement cette séparation homme-femme, qui est assez peu conviviale et empêche les conversations...
Première tanda pour Gilda, très agréable à danser, même si notre différence de taille m'empêche à la fois de m'exprimer pleinement et de profiter de la qualité de sa danse. Un vrai plaisir quand même.
J'invite une jolie brune, que l'on m'a présenté comme une danseuse très moyenne, mais qui possède en fait, un Abrazo de folie : rarement j'ai éprouvé quelque chose d'aussi émotionnellement intense ; presque aussi bien que mon Abrazo préféré à Marseille, que j'ai baptisé "Miracle du Tango".
Comment définir cette chose mystérieuse qui fait que deux êtres qui ne se connaissent pas éprouvent non seulement un plaisir intense à être dans les bras l'un de l'autre, mais avec, en plus l'instauration d'une complicité immédiate, qui dans d'autres circonstance demanderait des années... ? Mystère et plaisir du Tango...
En plus, cette Cristina je la trouve vraiment très jolie et j'aime bien sa façon de danser...
Miracle du tango, je vous dis... petite pensée pour Marseille...
Je m’éclipse discrètement vers dix heures pour rejoindre la Baldosa, la Milonga initialement prévue.
... mais aussi première déception...
J’arrive à la fin du cours de Milonga traspie donné par Gabriela Elias et Edouardo Perez. La salle se remplit rapidement. Pas un touriste, tous partis au Mundial. Beaucoup de trentenaires et un niveau de danse très élevé. Un des plus hauts que j’ai jamais vu à Buenos Aires. Des déplacements très rapides et surtout très amples, assez inhabituels dans la ville, des tenues et des techniques irréprochables : une nouvelle génération de danseurs assurément. Ce renouveau est confirmé par un petit détail : tous les danseurs arrivent avec leur chaussures de danse dans un sac, alors que l’ancienne génération arrive déjà chaussée ; semelles en buffle contre semelles en cuir. Chez les fabricants trouver ces semelles en buffle cinq ans plus tôt était difficile ; maintenant c’est plutôt la norme. Un problème : tout le monde arrive en couple, et l’organisation de la salle est catastrophique. En effet les hommes et les femmes seuls, sont parqués à une des extrémités de la piste, les femmes devant, les hommes derrière. Impossible d’inviter ! ... à moins de maîtriser la mirada derrière les oreilles ! Quelques hommes seuls refusent les places qu’on leur propose, et s’en vont dépités, un autre demande à être remboursé ! Je résiste une heure, et je m’en vais moi aussi. Dommage ! Fatigué, j’oublie mes chaussures dans le taxi : une soirée qui me coûte cher, totalement ratée au final, mais un bon moment à El Maipu.
Ceci étant, si vous passez à BA, ne ratez pas les cours de Milonga de Gabriela et Edouardo : c'est un must !
... continuons sur les Milongas...
Continuons un peu sur les Milongas. D’abord le prix a explosé : 40 pesos l’entrée plus une boisson basique à 20 pesos … ça fait 10 Euros ! Plus autant pour le prix du taxi aller et retour : inenvisageable pour les petites gens et les retraités. L'inflation varie entre 25 et 30% et les salaires ne suivent qu'à retardement. Quant aux retraites ...Du coup les Milongas d’après-midi ont vu leur clientèle augmenter fortement : prix plus abordables et transport en commun utilisables. La conséquence est assez catastrophique au niveau du Tango : les jeunes actifs d’un côté, les vieux fauchés de l’autre ! Le creux générationnel existant sur la tranche 40/60 cela devient, de plus en plus, les jeunes et les vieux totalement séparés. Cela existait déjà cinq ans plus tôt, mais maintenant c’est un véritable clivage. De plus, les danseurs de 65 ans connus cinq ans plus tôt, en ont maintenant 70 : changement de catégorie. Les pas se rétrécissent, le panel des « figures » aussi.
Les jeunes de leur côté ont maintenant dans certaines Milongas un niveau qui fait rêver : des marches particulièrement élégantes, des pas immenses sans le moindre à-coup, un respect de la musique absolu. Pas vu l’ombre d’un Voleo, d’un Gancho, d’une Barrida, ou d’une Sacada arrière pendant tout le séjour. Et pourtant, même en espace encombré, ça danse ! Quelques touristes regardent, paralysés pour aller sur la piste. Un Argentin à qui j’en faisais la remarque me dit en rigolant : « En Europe vous vous faites avoir par des shows, mélange de danse classique, contemporaine et scène, et après vous voulez faire ça en bal : ce n'est pas possible", un autre rajouta "et en plus vous n'écoutez pas la musique"...
"Aquí los turistas lloran para ir sobre la pista" :
Ici les touristes pleurent pour aller sur la piste.
D'ailleurs j'ai retrouvé un jeune couple de professionnel que j'avais déjà rencontré. Leur parcours ? Formation uniquement en cours particulier, quatre ans de tango de scène dans une troupe, et comme ils dansent comme des Dieux, ils viennent de décrocher une série de contrats en Europe, dans divers festivals. Au bilan : ils n'ont jamais assisté ou donné un cours de leur vie, et vont être accueillis avec un titre de Maestro et vont devoir enseigner. Après on s'étonne que dans le tango, il y ait des problèmes de pédagogie ! Ici, malgré leur exceptionnel niveau de danse, ils sont considérés comme des débutants ; le titre de Maestro ne se donne jamais avant toute une carrière et au moins l'âge de cinquante ans ; et si on veut bien apprendre à danser, on va voir quelqu'un qui a une bonne expérience de l'enseignement : ça parait tellement logique... mais veut-on vraiment de la danse en France, ou seulement du rêve... ? Question !
Damned ! : je fais partie des touristes ! Le Cabeceviol !
Soirée à Gricel : deux heures sans pouvoir inviter à danser ! Invitation à la mirada de rigueur, mais les regards se détournent obstinément. Pourtant il y a une forte surabondance de femmes ce soir-là. Je suis limite à craquer, d'autant que les hommes à ma table ne sont pas du genre causants : plutôt la convivialité du Tonton Macoute moyen ! Bien décidé à partir, un petit miracle me sauve la mise. A côté de notre grande table de mâles présumés danseurs, se trouvent trois tables pleines de charmantes quinquas, prêtes à en découdre sur la piste. Visiblement elles se connaissent toutes. Une petite dernière, arrivée tardivement ne peut s’installer derrière moi, que si je me lève pour la laisser passer. L’œil aux aguets, tel un vil coyote en quête de proie, je remarque qu’elle est déjà chaussée, et aussitôt après qu’elle eut déposé ses affaires je m’interpose entre elle et sa chaise, lui proposant la piste du petit signe de tête traditionnel.
Mon vernis de civilisation venait de craquer : j'avais inventé le " Cabeceviol " !
Surprise, et totalement coincée, sous le regard apitoyé des copines, elle accepte avec le même enthousiasme que celui d'un contribuable allant payer ses impôts. J'ai honte... mais j'assume ! Départ sur la piste dans un Abrazo aussi récalcitrant que si je m'étais arrosé de pétrole en guise d'eau de toilette ! Sensation amusante de voir la vingtaine des copines de ma cavalière se dévisser le cou pour assister à l’épreuve ! Troisième tango, les choses se sont nettement améliorées, le quatrième est au top. Retour à la table, blablabla chez les amies, toutes pleines d'interrogations : résulta, je manque être fusillé sous le déferlement des miradas, l’examen est passé ! Comble de l’ironie quelques tandas plus tard sur un de mes cabeceos, deux cavalières se lèvent en même temps : beaucoup de diplomatie pour gérer la chose, … et inévitablement une tanda pour chacune. Avec mon Espagnol, qui a fait des progrès certes, mais est encore plus que rudimentaire, j’interroge une voisine du groupe sur le pourquoi de cette méfiance. La réponse est claire, nette et sans ambages : « il y a tellement de mauvais danseurs qui déferlent durant le Mundial, que l’on refuse quand on ne connait pas. Les touristes font des tas de choses compliquées, mal guidées, et hors tempo, si bien que l’on préfère danser entre nous. Quand ils dansent bien, pas de problème, tout au contraire ». Ite missa est...
Vous avez dit "capacité physique " ?
Petite anecdote concernant la soirée : un des danseurs se déplace sur la piste avec une canne, munie, au bout, d’un petit trépied ! Folklorique ? Pas du tout : il danse ! En mesure, en musique et avec tout un répertoire de tours et de figures. Il assure chaque tanda, et pas une cavalière ne lui refuse. A bien regarder leurs visages, elles y prennent du plaisir. Je mets au moins trois whiskys à analyser sa technique : pose du trépied sur la croche qui précède le temps fort, pose du pied sur le temps fort, appui sur la canne sur la croche suivante, transfert du poids du corps sur le temps faible ; et sans la moindre erreur ni variation de rythme ! … et dire que certains danseurs (pour ne pas dire professeurs), n’arrivent pas à faire un simple pas en musique … En plus ça me remonte le moral, j’ai trouvé une voie de secours pour mes vieux jours !
Allongeant mes pas avec les cavalières, je me fais une petite remarque concernant leurs capacités physiques et d’adaptation. Vu de l'extérieur, les pas sont petits, les ochos arrières, exécutés sans tourner les hanches, la danse pratiquée à l’économie. Pourquoi ? Trop de monde sur la piste ? Effectivement, mais quand elle se libère un peu, rien ne change… Un style ? Une préférence pour cette façon de faire ? Non, puisque lorsqu’on les sollicite un peu, elles adhèrent, voire elles adorent.
C’est Gilda, encore l’extraordinaire Gilda, qui me met sur la piste : comme je lui signale mon mal à l’épaule récurant, dû à un usage excessif de la souris informatique, elle m’explique, démonstration à l’appui, tous les mouvements à faire régulièrement pour éviter ce problème : et la voilà debout à s’étirer les bras dans tous les sens. D'ailleurs, comme elle sait tout faire, elle m'applique, immédiatement, un massage aux ultrasons pour soulager ma douleur ! Agréable et efficace !
En fait le secret est là : les femmes arrivées à un certain âge sont en bien meilleure condition que les hommes, car elles font plus attention à leur forme et aspect physique. Chez les hommes, si on enlève l’éternel « fil-à-voile » ultra-mince, déjà taillé danseur en couche-culotte, je ne vois, chez les autres, qu’un aréopage d’arthritiques, le plus souvent bedonnants. On ne peut leur en faire reproche : certains ont eu une vie difficile. Mais c’est un fait que la mobilité des hommes dans cette classe d’âge est fortement réduite et que les femmes … s’adaptent. Ce qui explique aussi qu’elles apprécient quand un jeunot, comme moi… Attention : No comment !!!
Ceci étant, on peut se poser la question de savoir, si enseigner, sous prétexte d'un style, une façon de danser qui n'est qu'une adaptation à la diminution des capacités physiques dues à l'âge, est vraiment justifiable.
Une remarque de Gilda amène une deuxième question : on parle de style plus ou mois rapproché, et elle me dit qu'au fil du temps les modes ont changé. Ainsi, un des personnages du Tango de Buenos aires, qu'elle connait, Oscar Hector, surveillait la piste de sa Milonga pour empêcher les couples de danser trop près ! C'était seulement quarante ans plus tôt. Maintenant il danse en cerrado... Qu'est-ce qui est traditionnel et qu'est-ce qui ne l'est pas ?
Le débat ( qui sera probablement houleux ) est (largement) ouvert...
Mon quartier
Réveil brutal au petit matin ; toujours le même rituel, le flot de voiture est bloqué au croisement par un retardataire de l’autre voie, mugissement instantanée d’une trentaine de klaxons, bébé se met à pleurer, le chien aboie, tous les chiens aboient, le maître du chient gueule, tous les maîtres des chiens gueulent, le carrefour se désengorge, la caravane passe … trente fois par jour.
Que frio ! Je sors au petit matin explorer le quartier et chercher de quoi déjeuner. Buenos Aires est ainsi constitué : les commerçants sont regroupés par quartiers. Il y a celui des marchands de chaussures, celui des marchands de vêtements, etc… Le mien est celui des petites culottes ! Honni qui mal y pense, je n’ai pas fait exprès. Juré ! Toutefois, me résignant à regarder les vitrines ( !), je m’aperçois que la société Argentine a bien évolué sur cet aspect des choses… Alors que cinq ans plus tôt les sous-vêtements féminins proposés en vitrines incitaient plutôt à des villégiatures longue durée dans un quelconque séminaire, je vois cette année des parures modernes et de qualités. Certaines vitrines exposent même des tenues à faire rougir une honnête travailleuse du quartier de Pigalle : on n’oserait pas à Marseille, sauf à risquer l’émeute ! Je prends en photo les plus sages, un peu furtivement, style papy pervers en goguette...
De l’autre côté du Boulevard, c’est le fief des juifs intégristes, tous longues barbes et pendouilleries de partout : ça fait une moyenne ! A mourir de rire, quand ils passent devant les vitrines en détournant la tête, alors que leurs gamins, tout aussi harnachés, se dévissent le cou, les yeux exorbités ! Un plus loin c'est le quartier des accessoires de fête.
A noter le terme de cotillon, employé sur toutes les vitrines, survivance, comme chez nous de la danse Française à la mode à la fin du 19e siècle. Buenos aires change progressivement. Dans l'Ouest et le Sud de la ville, les habitants d'apparence européenne se font plus rares. La circulation elle n'a pas changé : toujours aussi dense et animée. Brûler un feu pour un piéton relève du pari sur l'au-delà ! L'automobiliste Porteño écrase d'abord, se pose des questions ensuite. Et on risque fort de se faire écraser, les trottoirs étant de plus en plus encombrés d'étalages en tout genre. L'intérêt du quartier, entre autres c'est que l'Abasto est tout proche, à dix minutes à pied.
Plein de photos
La ville reste superbe même si, à certains endroits, misère et détritus viennent en polluer le charme ... et l'air qu'on y respire. Pour peu que l'on soit au calme, on s'y sent bien. Une petite galerie de photos pour pouvoir apprécier.
Cliquez sur les imagettes pour agrandir les photos
Buenos Aires en vertical ?...
... ou Buenos Aires en horizontal ?
... et même là, des gens arrivent à vivre !
Il est des endroits assez peu touristiques dans la ville. En fait celle-ci est cernée par des ghettos où s'entassent tous les nouveaux immigrants : l'histoire se répète. Mais, à la différence de ce qui s'est passé il y a de cela cent cinquante ans, ce ne sont pas des Européens qui arrivent en masse, mais des Sud-Américains. C'est là un vrai problème pour Buenos Aires, qui si elle y trouve une main d'œuvre bon marché, risque de voir à terme, son identité "Européenne" disparaître au fil du temps...
Si beaucoup de bidonvilles sont excentrés, il y en a un, tout prêt de la gare Retiro,...
... et tout prêt également des hôtels de luxe, dont le Sheraton, l'un des plus célèbres...
Sur la photo de droite, on apprécie les conditions de vie de la population, et compte-tenu de certains regards peu amènes, je ne me suis pas aventuré plus loin avec mon appareil photo, n'aimant ni le voyeurisme ni la provocation.
Du haut de l'étage d'un car j'ai pu voir l'autre côté de ce même quartier :
Regardez le petit film ci-dessous, il est édifiant !
Derrière le mur de la honte des masures jamais terminées.
Deux images extraites du film ci-dessus. Sous la flèche à droite, il y a quelqu'un ... au " balcon " !
Escapade à Iguazu
"Voir Iguazu et mourir" : on peut facilement pasticher la célèbre formule concernant la baie de Naples, et, pour avoir connu les deux endroits, je la préfère nettement, appliquée à Iguazu. De ce voyage, je rêvais depuis longtemps, mais l'argent étant le nerf de la guerre, j'avais remis aux calendes grecques la possibilité de cette visite. Cette année, après avoir dûment saigné mon petit cochon, je me décide à monter trois jours visiter cette merveille de la nature. Concernant le choix du transport, le car m'apparut plus intéressant que l'avion : au même prix, le premier devait me permettre de voir plus de choses. Certes le voyage est long : 18 heures pour près de 1300 kilomètres ! Mais en voyageant en partie de nuit et en prenant le haut de gamme en ce qui concerne le confort, le voyage est un vrai plaisir. Sièges inclinable à 180° , apéritif pour l'accueil, repas bien meilleurs que dans les avions, champagne, film, musique ... et vue imprenable sur la route : je suis sur la première rangée de sièges !
La compagnie " Crucero del Norte " est réputée, les chauffeurs excellents et le personnel sympathique, les munitions pour la route (champagne, whisky, vin très correct) à volonté : que demander de mieux !
Pour la suite de cette escapade avec photos et Vidéos, cliquez ici : Iguazu
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Incredible Gilda !
Vous l'avez déjà compris, Gilda, la charmante tanguera chez qui je loge, est une petite pile électrique, munie de multiple talents. Outre les apéritifs et le massage, elle me raconte les Milongas, avant et maintenant. Les conversations tournent parfois à des échanges philosophiques sur la vie en général et la vie de couple en particulier. Dans ces deux domaines elle y fait preuve d'un solide bon sens, réconfortant dans cette époque de doute. Sur le tango elle sait (presque) tout et connait (presque) tout le monde. Rien n'est plus énervant que ces émissions télé où on va chercher un papy qui devient tout de suite historien et diffuseur de paroles d'évangile, alors que le plus souvent son expérience s'arrête aux limites de son quartier. C'est comme cela d'ailleurs que sont nées les toutes les légendes urbaines qui, à la fois, polluent les recherches sur l'histoire du Tango, et en même temps font de cette histoire une véritable épopée romantique. Toutes les personnes que j'ai rencontrées durant mes voyages, ont toutes "très bien connu Gavito" ! Aussi, quand Gilda m'a glissé la même formule, entre deux gorgées de son fameux cocktail, j'ai accueilli l'information plutôt avec le sourire. Pourtant, un peu plus tard, alors qu'elle voulait absolument me montrer de très belles photos de l'île de Pâques, un album dans la pile attira mon attention. Gilda y figurait sur de multiples photos en compagnie ou dans les bras de Gavito, chez lui, avec sa femme, parfois avec "El Pipe Sarandi" un des maîtres de la Milonga.
Tout d'un coup les paroles de Gilda avaient pris une toute autre valeur.
Sur ses conseils, à la fin de mon séjour, j'ai découvert le coin des bouquinistes que ne n'avais pu trouver à mon séjour précédent. Petit achat par le prix, bonne trouvaille pour la valeur, j'y déniche un exemplaire du livre "El Tango en su etapa de musica prohibida" pour la somme pharamineuse de quatre euros. Un long paragraphe y explique que le langage des truands n'était pas le lunfardo mails "El calo", l'argot des prisons. Aussitôt Gilda, non seulement me traduisit le paragraphe en question et y rajouta commentaires et explications. Comme je m'en étonnais, elle me signala qu'elle était membre de la "Academia Porteña del Lunfardo", présidée par Jose Gobello, historien et auteur de talent unanimement reconnu (j'en parle en bas de cette page). Un autre fois, lui ayant dit que mon rêve était de rencontrer Horacio Ferrer, elle me dit que si je revenais à BA elle pourrait peut-être me le faire rencontrer. Gilda me fit irrémédiablement penser à une vieille blague, où la foule des fidèles réunie place Saint Pierre, à Rome, s'interroge : "Qui c'est le monsieur tout en blanc qui fait des grands gestes, à côté de Gilda, sur le balcon de la basilique ?"
Même en soufflant très fort, tu ne tiendras jamais le monde entier dans tes bras, Gilda, mais tu tiens sûrement la plus belle partie du tango quelque part, cachée dans ton cœur.
Gilda est une de ces rares personnes dont la rencontre enrichit la vie. Merci Gilda, merci la vie.
Les bouquinistes
Toujours grâce à Gilda (!), je sais maintenant où se situent les différentes foires de bouquinistes de Buenos Aires. Je m'aventure donc vers l'ouest, l'intérieur de la ville, une partie assez peu touristique. Bien sur, je recherche des ouvrages sur le tango... comme tout le monde : mission quasi impossible, les touristes sont passés par là durant tout le Mundial. Mais impossible n'est pas français et j'arrive à dénicher quelques perles : un exemplaire de "Fray Mocho" de 1913 avec deux pages pleines dédiées... à un petit Français qui gagna un des premiers grands concours de tango de l'époque, concours de composition musicale s'entend. Particulièrement prolixe le petit Français, puisqu'il écrivit une centaine de tangos... tous tombés dans l'oubli. Son nom ? "De Wavrin", un Parisien... Je déniche également quelques vieux bouquins introuvables et me promène toute la journée entre les livres et les chats qui pullulent sur les étalages.
Plus facile de trouver des photos de joueurs de foot que de danseurs de tango, mais à la fin de la journée, j'ai déniché LA boutique aux trésors. Ne m'en voulez pas, je ne vous dirais pas où J
Les Murs de la Ville
A se promener dans d'autres endroits, on développe une autre sensibilité. Cette année mon regard s'est davantage attardé sur les murs. Faute de temps et de matériel adéquate, seules quelques photos vont figurer ici. Mais Buenos Aires mériterait beaucoup plus, et de la part d'un vrai professionnel. Les murs s'habillent et différentes cultures s'exposent ainsi, au gré des quartiers, mais le métro reste un must, à Retiro et dans la dernière station ouverte, Corrientes.
Cliquez sur les imagettes pour agrandir les photos (attention temps de chargement de l'ordre de 5 secondes) :
Regardez la dernière photo en bas à droite, le complice de Carlos Gardel, Jose Razzano y ressemble étonnamment à... Zarkozy !
Attention, ce n'est pas fini, ceci n'est que la première partie.
La suite du récit sur la page 2 avec encore plein de photos et de vidéos : cliquez