Voyage à Buenos Aires  /  Novembre 2018

Retour sur la ville, retour sur Capital Federal

On ne vient pas en Argentine, quand on est danseur de tango, sans... aller danser le tango.

Mais ce n'est pas la raison première de mon voyage.

Plusieurs raisons : d'abord c'est la mauvaise période, les touristes sont partis et les milongas plutôt vides, venir pour le tango à cette période de l'année, c'est vraiment le mauvais choix. Eh oui, contrairement à l'image que l'on en a, le tango à Buenos Aires, et à l'échelle de la ville, est relativement marginal... quand les touristes ne sont plus là. Le tango c'est la culture de quelques milliers d'aficionados, mais c'est surtout, et avant tout, un business. Ensuite, comme le dit fort bien, un DG célèbre de là-bas, le niveau moyen des danseurs est assez bas, plus bas que dans maints endroits d'Europe ou d'ailleurs. La différence ? Les orchestres ! Et là on n'est plus dans le même monde, des orchestres de qualité, il y en a partout, et tous les soirs, à Buenos Aires !... A peine un peu moins quand les touristes sont partis...

Deuxième raison, Buenos Aires est une ville immense, la métropole dépasse les 13 millions d'habitants ! Elle regorge de choses à découvrir, et tout connaitre en seulement quelques voyages, est une pure illusion. J'ai encore tellement de choses à voir et visiter ! Mais d'abord, ce qui fait le charme particulier de cette ville : la rue, le métro, les citadins.

Dans la rue, on danse. Pas le tango, activité réservée pour la faire la manche auprès des visiteurs étrangers, mais toutes sortes de danses que les jeunes affectionnent, répétant de véritables ballets, avec des gamins et gamines souvent impressionnants d'énergie et d'application. Et que dire de ce musicien, qui joue, joue et joue encore (j'ai fait toute la ligne avec lui, il ne m'avait même pas remarqué), et qui voit tout le wagon se vider, personne ne lui glisser une obole, et qui, malgré tout, continue à jouer, à jouer et à jouer encore... Je l'ai rattrapé sur le quai, au terminus pour changer de direction et repartir dans l'autre sens, pour lui glisser un peu plus que ce que j'aurais donné pour rentrer dans une milonga, boire un verre et écouter un concert. Il était content, et m'a remercié... en Anglais, je venais de jouer les américains, lol !

  Survolez avec votre souris, toutes les images cerclées de rouge : ce sont des vidéos  

Je n'ai jamais eu de gout pour les voyages organisés, ni pour les visites de ville en "promène-couillons". Ce faisant, je n'avais jamais vu la sculpture en forme de fleur, "Floralis generica" du sculpteur argentin Edouardo Catalano, incontournable pour les tour operators. Le Museo del Arte me donne un prétexte pour aller la photographier.

Le Musée vaut le déplacement, et je vais y revenir : ils annoncent une exposition de Turner, le peintre des lumières, et un de mes artistes préférés. C'est pour bientôt, et avant mon départ. je ne voudrais la manquer à aucun prix ! En attendant petite visite des expositions permanentes, déjà un régal pour les yeux.

Allez, retour vers le tango. les touristes sont partis, c'est très calme en ce moment, mais le Canning nous réserve encore de belles surprises. Outre des soirées honorables, de temps à autres, on a droit à "the" soirée, même en période calme. C'est le cas ce soir : un excellent orchestre, une démo sobre, de très bonne qualité, et juste la quantité de monde nécessaire, mais sans trop. Une très bonne soirée.

Présence intéressante : celle d'un groupe de lycéens, emmenés par leurs professeurs, dans le cadre d'une sortie organisée au titre de la découverte de la culture de leur pays

 

Journée tranquille aujourd'hui, ballade dans la ville, bière dans un bar, et surtout, à force de chiner chez les libraires de rue, découverte de trois volumes qui vont venir enrichir ma collection et mes connaissances sur l'histoire du tango.

  

Gilda, toujours plein d'entrain veut m'emmener à la milonga Obelisco. J'en ai entendu parlé depuis qu'elle a déménagé, et me suis laissé dire que cela avait un peu changé... Deux amis marseillais m'en ont vanté récemment les soirées fantastiques... why not ? Et puis cela fera plaisir à Gilda. Bon, si l'accueil est extrêmement sympathique, tous les danseurs et danseurs présents ont une bonne génération d'avance sur moi... pas folichon à première vue. On me place à côté d'un français. En fait il s'agit d'un marseillais, transfuge du Petit Patio, qui passe sa retraite là-bas. Niveau danse en général, une catastrophe sympathique... Mais tout le monde est très gentil, et je fais faire une tanda à Gilda. Comme toujours elle chante le tango qu'elle danse. J'adore !

En fait c'est le meilleur accueil de tout le séjour, et Gilda a, à elle toute seule, a plus d'énergie que tout le reste des danseuses présentes. Je prends quelques photos qui lui feront sûrement plaisir, et je profite d'une bière pour me faire expliquer, quelques curieux manèges dans les arrivées et départ. Il existe tout un système de solidarité qui fait que certaines personnes complètement démunies, ne payent pas leur entrée, mais surtout il s'organise différents relais pour les amener et raccompagner. Elles n'ont pas de voiture, ne conduisent plus, pas d'argent pour les taxis, et la milonga a établi ses nouveaux quartier un peu loin du centre. Une très bonne ambiance, mais pas pour mon tango... Rendez-vous avec Gilda le lendemain, au programme antiquités et restaurant...

Retour sur une obsession ? Non, simplement j'aime bien aller au fond des choses qui m'intéressent. On m'accuse souvent de toujours "vouloir avoir raison". C'est presque vrai dans la mesure où, quand dans une conversation mon interlocuteur a consacré dix minutes à un sujet et se permet d' "avoir un avis contraire", là où j'ai passé des heures de travail et de recherches, il faut pouvoir argumenter solidement pour me faire changer d'avis. Si les arguments sont bons en face de moi, changer d'avis n'a jamais été un problème. Fin de la parenthèse, et revenons à ce qui fut une autre grande polémique marseillo-marseillaise (une de plus !) : la Fragata Sarmiento.

Si le fait est désormais admis que ce navire école n'a jamais mis les pieds, si j'ose dire, à Marseille en 1906 et encore moins amené le tango, je continue toujours à chercher. Et un objet purement décoratif, me tient particulièrement à cœur : un superbe cendrier gravé à l'image de ce magnifique navire école. Vive internet, je l'ai enfin trouvé !

Après c'est devenu un peu compliqué ! Je suis coincé par la politique économique totalement aberrante de l'Argentine depuis des années : impossible pour un étranger, d'acheter quoi que ce soit, là-bas, sur internet. Mon site de chinage "Mercado libre" est devenu inaccessible. Commence alors le circuit : j'envoie l'argent à Gilda par Western Union (aller à la banque, retirer du liquide, traverser la ville...), qui utilise ensuite la carte bleue d'une amie pour payer sur internet, puis va chercher le cendrier chez l'antiquaire qui le vend à l'autre bout de la ville, et me le remet enfin, quand j'arrive à BA, autour d'un apéro. Facile ! Et vous voulez que l'économie reparte là-bas... ?

Nous allons fêter ça, en me passant une petite frustration de mon précédent voyage. En effet, un restaurant réputé, tant par son histoire, sa décoration, que pour sa gastronomie va recevoir notre visite, ce que je n'avais pu faire trois ans plus tôt : el Palacio Español ! Gilda et moi nous en réjouissons d'avance !

Bon le décor est splendide, le service parfait, la nourriture honorable... vu le prix. Examinant la clientèle des tables voisines, le lieu semble être un rendez-vous d'habitués pour les repas d'affaire. Mais de toutes façons, un repas avec Gilda, c'est toujours un bon moment ! Je ne résiste pas à mon dessert préféré en Argentine : le Panqueque de manzana al ron ! Mauvais pour le régime, mais "comme j'aime" ! lol !

   

Avant de repartir, Gilda tient à me montrer, ce que nombre de touristes ne verront jamais : la porte d'à côté... En fait c'est l'entrée du bâtiment, siège de cette association réputée. Entrée interdite. Gilda qui tient à me montrer l'ascenseur, négocie, comme elle sait si bien le faire, avec le gardien : autorisation  nous est alors donnée, de prendre quelques photos du hall, à l'intérieur... et de l'ascenseur. Impressionnant !

Effectivement l'ascenseur est magnifique ! J'aurais bien ouvert la porte... et posé mes fesses sur la petite banquète rouge à l'intérieur ! Gilda me précise avec regrets, qu'avant, à l'étage, il y avait une milonga...

Mais c'était avant...

Le soir ? On s'emmerde ! Je suis allé faire le dernier cours d'un séminaire avec Damian Essel, histoire surtout de lui dire bonjour, et d'essayer de m'intégrer dans un groupe. Le sketch ! Une majorité de célibataires, moyenne d'âge la trentaine, et la parité hommes-femmes. Damian nous demande de nous mettre en couple et de faire un petit tango d'échauffement : tout le monde évite le vieux ! Moi ! La dernière fille, moins rapide que les autres pour se dénicher un cavalier de son âge, vient vers moi à reculons. Heureusement qu'il y a ce premier tango. Je m'applique et elle s'exclame avec l'air étonné de celle qui vient de découvrir quelque chose d'anormal : qu'est ce que vous dansez bien ! Donc intégré.

Mais même à la Villa Malcom, pas grand monde... le Café Vinilo, programme du jazz et de la salsa, et les bons danseurs sont absents de la Viruta. Le grand désert !

Compensation : emplettes chez les marchands de disques : normal je suis tangomaniaque !

La pire des milongas, c'est Gricel ! Déjà sur la pente descendante, il arrive cependant que la fréquentation atteint les 300 personnes en plein mois d'Aout. Là, 15 à 20 personnes, dont mes deux marseillais... Je fais une tanda avec une malheureuse jeune japonaise qui se désole en compagnie de ses deux parents, et part en courant... Le pire, les milongas du dimanche soir : public plus bidochon que tanguero, niveau lamentable, et la Viruta le samedi, c'est pas mieux... Question tango, le plaisir c'est la musique, et elle est aussi dans la rue ! Et quel plaisir ! Cette Cumparsita, j'ai du l'écouter cent fois !

Incroyable musicien !  je continue les ballades dans la ville... quelques images... restaurant branché, belle décoration, bonne nourriture, service détestable... comme dans tous les restaurants branchés de la planète... Allée de bouquinistes... arbres en fleur, le printemps est là. Buenos Aires est jolie... profitons...

  

  

 Et puis Turner m'attend !

 

 

J'adore Turner, j'y ai passé heures dans cette l'expo... mais Toulouse Lautrec, Gauguin et Renoir, méritent aussi le détour ! Bien moins grand que le Louvre, ce Musée, est nettement plus accessible ! Et une pièce entière consacrée à Rodin ! Un régal !

     

Passé une journée magnifique ! Un bon repas et une bouteille de Malbec, plus tard, je retourne une dernière fois m'ennuyer en milonga, et je rentre finir mes valises, avion demain en fin d'après-midi. Mais demain matin, une dernière visite s'impose !

El Palacio de aguas, sur Corrientes ! Je l'avais vu, je l'avais en carte postale (ci-dessus), je n'avais pu le voir avec Marina que de l'extérieur, cette fois-ci, bien renseigné sur les horaires, je ne vais pas le louper ! Et cela me fera passer la frustration de la Torre de los Ingleses, qui ne se visite plus et la Casa Rosada saturée et sur réservation...

Le Musée est superbe, et mérite le détour, autant pour le bâtiment extérieur, que pour les expos. En fait l'histoire de l'eau à Buenos Aires, c'est aussi l'histoire de la ville, et 1871, date du début du projet, correspond à l'expansion de Buenos Aires, de l'arrivée d'une certaine forme d'hygiène, et de celle, approximative, de la création du tango.

  

  

 

Fin de la visite, direction l'aéroport... Reviendrais-je à Buenos Aires ? Pas sûr, il me faudra un solide prétexte. Pour le tango, le niveau général est meilleur en Europe ; pour les cours, bof, tous les vrais enseignants et pédagogues (à part quelques rares professeurs comme Damian Essel) sont partis s'installer aux Etats-Unis, au Japon ou en Russie (quelques très rares en France) ; pour les milongas, elles ne sont vraiment intéressantes que lorsqu'il y a les touristes, et sont particulièrement inintéressantes... du fait des touristes ; restent encore plein des paysages et de lieux à visiter, mais encore plus à découvrir, bien moins loin de chez moi. Il me faut allier le tango au plaisir du tourisme : Pragues récemment fut ainsi un régal à tous les niveaux. Danser le tango à St Petersburg et visiter le Misée de l'Hermitage, par exemple...

On verra...

Dernier point, une drôle de sensation. J'ai le sentiment qu'en dehors des pros qui veulent en vivre, les argentins se sentent dépossédé du tango et s'en détournent quelque peu. Le fait que le tango soit totalement mondialisé, lui a fait perdre son rôle de porte drapeau de leur identité nationale. C'est le folklore qui prend le relais, et avec vivacité partout, d'autant que Buenos Aires s'est ouvert aux Provinces. Avec le folklore, les argentins ont davantage le sentiment d'un patrimoine culturel dont on ne pourra les déposséder...

Et ils ont bien raison...

 

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