Voyage à Buenos Aires  /  Eté 2009

 

Le glacier El Vesuvio / Misère dans les rues / Bonne humeur / Course à l'argent

Splendeurs de la Ville / Rencontres musicales / El Museo de Cira à la Boca

San Telmo où es-tu ? / Réflexions sur la musique

Comme un débutant / le Mundial de Tango

 

 

Retour vers la grande ville. Voyage sportif de l'Aéroport vers le centre avec un taxi pirate : passage des péages collé à la voiture nous précédant, vitesse supérieure à la moyenne (c'est possible, je ne le croyais pas), quelques risques pour ... 30 pesos de moins. Mais une bonne rigolade aussi. Accueil sympathique de ma logeuse, le studio est sombre mais spacieux et bien équipé. N'y étant que pour dormir, ce sera parfait. Prendre une location, c'est un peu plus contraignant que l'hôtel, mais c'est aussi, en très peu de temps, prendre le pouls du quartier, et sympathiser avec les commerçants du coin. Le gardien est sympa et me donne quelques bons tuyaux. Dernier complice d'un séjour réussi, la température est printanière, et le soleil au rendez-vous.

 

Aller à Buenos Aires, c'est un peu faire un voyage dans le temps. Il me semble être revenu, parfois, aux sensations de mon enfance. Vieilles pierres, façades Haussmanniennes, costumes croisés, on se croirait, parfois, dans la France des années 50. Ce sont les restaurants et les cafés qui me donnent le plus cette impression. Les décors y sont, le plus souvent, somptueux, mais surtout on y trouve des objets témoins d'une autre époque, et qui sont pourtant toujours en service. Le style et l'habillement des serveurs participent fortement à créer cette sensation. A dire vrai, c'est plutôt agréable.

Cette impression, je l'ai encore retrouvée, non seulement dans les décors, mais également dans les relations entre les gens. La politesse, cette vieille collection de rituels, aujourd'hui chez nous quelque peu surannée, est toujours, à Buenos Aires, le lubrifiant communautaire des  relations sociales de la cité.

Soirée à Gricel. Etant arrivé de façon improvisée, je ne m'attendais pas à l'organisation de la Milonga, telle qu'elle était ordonnancée ce soir là. L'organisatrice et hôtesse, me saute au cou dés l'arrivée et me demande dans quelle partie de la salle je souhaiterais être installé. Elle m'accompagne à ma table. Le rituel spécifique à cette soirée, consistait en une alternance de tablées d'hommes et de tablées de femmes tout autour de la piste. Et là, le manège commençait : un bref  "cabeceo" d'un bout à l'autre de la salle, mais pas de rendez-vous sur la piste :  les hommes s'avançaient jusqu'à la table de leur cavalière pour les amener en l'espace propice au démarrage de la danse, et en fin de "tanda", tous les cavaliers raccompagnaient leur danseuse à leur chaise avec un petit mot de remerciement. Certes tout n'est pas rose dans les Milongas de BA : on retrouve les mêmes clans, les mêmes jalousies, les mêmes problèmes qu'en France, mais la courtoisie tempère les relations conflictuelles, et celles-ci n'en deviennent que plus faciles à supporter et surmonter. Une cavalière de mes stagiaires, excellente danseuse me racontait : "j'ai dansé avec des cavaliers merveilleux, personne ne m'a fait la moindre remarque. Certains d'entre eux, voyant que la technique était là, mais que mon expérience de la Milonga était insuffisante, après deux ou trois tangos, m'ont demandé, très respectueusement : "Me permettriez-vous de vous suggérer une petite chose ?" Et là, avec une grand sourire, et s'excusant de surcroît, ils m'ont distillé juste le petit conseil en deux mots qui aide à progresser. Venant de cavalier totalisant plusieurs milliers d'heures de vol, pendant plus de trente ou quarante ans, sur les pistes de la Capitale du Tango, cette politesse et cette déférence vis à vis de la danseuse, est agréable, et rafraichissante pour qui vient d'Europe. Rien à voir avec ces danseurs arrogants, qui après trois ou quatre ans de Tango, parce qu'ils arrivent à exécuter un peu de gymnastique sur de l'électro, se permettent de faire un cours (des plus douteux en termes de qualité), en pleine Milonga , à la cavalière de rencontre ; quand ce n'est pas carrément la remarque désobligeante où la danseuse plantée sur la piste ... Tiens c'est une idée, on va organiser des stages de courtoise à la place des modules de technique.

 

Toujours dans le cadre des Milongas, cette année beaucoup moins de touristes. Entre la désinformation médiatique concernant la grippe A, et la crise économique, le Dollar et l'Euro se font rares, dans les poches des voyageurs, mais aussi les Pesos pour nos amis Argentins. Nos stagiaires bénéficiant d'entrées gratuites à la Confiteria La Ideal, en fin d'après-midi, pour pouvoir s'entraîner, j'y passe plusieurs fois. Le niveau est affligeant ! Rien à voir avec ce que j'ai connu deux ans plus tôt. De nombreux danseurs n'auraient pas leur place dans une quelconque Milongas de l'Hexagone, tellement ils sont mauvais : incroyable ! Le soir le niveau remonte, parfois beaucoup plus sérieusement. mais il n'y a pas affluence. J'ai vu des milongas avec ... cinq personnes. Dur ! Et les cours, à l'exception de l'Escuela de Tango du Centre Borges qui ne désemplit pas, sont parfois désertés. Mauvaise année.

De plus, certaines Milongas exagèrent, faisant payer 25 Pesos (5 Eu) l'entrée, somme exorbitante pour un Argentin.

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Il fait faim !

 

L’Avenue Corrientes regorge de tentations, mais El Vesuvio est à portée de pas. Un petit effort, deux quadras et le temple de la crème glacée m’ouvre ses portes. Une assiette de « picada », pour la faim et une énorme coupe de glace pour le plaisir. Il est vrai qu’elles sont excellentes ! L’endroit est réputé. Fondé en 1902, il fut le premier glacier ouvert en Argentine. L’établissement se transforma en Confiteria dans les années 20. Au fil du temps il devint le lieu de rendez-vous de toutes les personnalités du monde politique, culturel et artistique de la ville.  Parmi elles : Carlos Gardel, Tita Merello, Hugo del Carril, Julio de Caro, Alfredo Palacios, Ben Molar, etc… Plus près de nous Cacho Castaña, Susana Rinaldi, Pinky, Romay, Raúl Lavié, Valeria Lynch, Nito Artaza, Cecilia Milone, et bien d’autres fréquentèrent cet endroit. Horacio Ferrer et Astor Piazzolla lui dédièrent une strophe de leur Tango « La Ultima Grella ». Pour reprendre la formule de l’établissement : « Une histoire aussi riche que ses glaces ».Une vieille dame d’une élégance aristocratique rare, me propose courtoisement le journal, l’ambiance est feutrée, un tango égraine sa mélodie en sourdine. La vielle dame sort, saluée par tous avec déférence, et je reste à rêver aux fantômes illustres qui semblent hanter et inspirer encore ces lieux.

Gros succès d'estime quand, n'écoutant que mon courage, je commande une deuxième coupe délicieusement monstrueuse.

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Je reprends mon errance exploratoire dans les rues de la ville

 

Mes parents avaient une idée de l’éducation des plus traditionnelles, et je les en remercie. Latin, Piano, Chorale à la Cathédrale, Escrime, … et Scout le Dimanche. Prolongement des Louveteaux, ma troupe avait gardé le principe de la BA, la « Bonne Action » journalière. Même après plus de quarante ans, cela laisse des traces ! Traîner dans les quartiers à Buenos Aires est l’occasion de faire beaucoup de « Bonnes Actions ». La misère est palpable dans les faubourgs à tous les coins de rue. La crise mondiale et les conséquences économiques de la grippe A ont eu des répercussions terribles. Tous les chauffeurs de taxi parlent des difficultés de la vie, et évoquent une de leurs conséquences des plus préoccupantes : une explosion de la consommation d'alcool et de drogue. Bref la vie est dure, encore plus cette année. Voir la misère dans un quartier à l’allure de bidonville, à peine amélioré, est déjà choquant, mais la voir dans une belle rue bordée de magasins aux vitrines alléchantes est encore plus choquant. Bref, sortant du métro je vois deux « cartoneros » couchés en plein jour sur le trottoir. Aussitôt ma bonne conscience qui volette au dessus de mon épaule gauche, me suggère de partager un peu de ma (petite) fortune avec ces malheureux. J’ai l’obole facile, c’est là mon moindre défaut. Las ! Un seul gros billet, pas la moindre monnaie ! Le magasin de disque à proximité refuse de me dépanner. Du coup j’y achète un Cd (comme quoi le crime paie !) et muni de deux petits billets me rapproche des deux endormis. J’essaye de les réveiller sans succès. Leur sommeil est comateux. Probablement ils sont sous l’effet de la drogue. L’odeur est épouvantable. J’hésite à leur glisser un billet dans la poche, un individu d’apparence peu amène, observe mon manège. Probablement, dés que j’aurais les yeux tournés, ils seront dévalisés. Je renonce à ma Ba, les prends en photo pour pouvoir témoigner de leur infortune et repart frustré. Mal-être pour le reste de la journée, soirée en demi-teinte.

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Malgré tout, les Argentins savent garder le sourire, et le sens de l'humour.

 

 

 

Leur accueil est toujours aussi chaleureux. Abordez un passant au visage triste et fermé pour demander son chemin, et aussitôt son visage s'éclaire d'un sourire emprunt de gentillesse et de bonne volonté. C'est une réflexion que je m'étais faite déjà à Cuba : ces peuples dans les difficultés d'ordre économique, ne laissent pas leur problèmes altérer leur sens de la fête et de l'hospitalité. Une grande leçon pour nous autres, nantis et toujours frustrés. Prendre une photo est des plus facile : il suffit de demander gentiment. Le jeune homme qui promenait ses chiens au petit matin, a reculé spontanément avec toute son escouade à quatre pattes, pour rendre mon cadrage plus facile. Un sourire et il continue son chemin. D'ailleurs prendre des photos est coutumier : ça me rappelle mon voyage au Japon. Partout dans les Milongas, les Argentins se photographient entre eux, et dés que vous avez sympathisé, vous vous retrouvez immortalisé en compagnie d'inconnus. Coutume plutôt sympathique.

 

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Signe des temps, tout le monde court après l'argent.

 

Des enfants sur Florida (et ceux-là ne respirent pas franchement la joie), et des mamies qui font de la pub pour ... les sex-shops. Cette évolution m'a fortement étonné : de multiples sex-shops et spectacles de le même veine, ont ouvert dans la ville. Le petit métier de distributeur de tracts, a vu arriver en masse ces nouveaux démarcheurs, qui, dans le cas présent, n'ont pas manqué d'humour, dans le choix de la formule.

Le succès de Florida, s'est étendu à la seconde rue piétonne "Lavalle" où la fréquentation a fortement augmenté. Par contre, signe de la crise, plusieurs restaurants dans le micro-centro ont fermés leur porte. Dommage.

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Splendeurs de la Ville et nouveau métro

 

Une pile de magazine encombre mon salon : des revues techniques sur la photo. Le rêve : un reflex numérique ; la réalité : trop cher. Je m'imagine parcourant les rues de la ville, sans autre soucis que la recherche d'images. Buenos Aires est une ville magnifique. espérons qu'elle saura préserver son charme et ses immeubles aux façades flamboyantes.

 

 

                           

 

 

Mais les difficultés de circulation ! Toujours aussi compliqué et dangereux de conduire à Buenos Aires.

N'exagérons pas. Le quadrillage exceptionnel de la cité, la largeur des rues dont la majorité à sens unique, facilitent le trafic.

Mais il me semble que le nombre de voitures a encore augmenté. Le développement des transports en commun s'impose.

 

La nouvelle ligne de Métro, baptisée avec une originalité déconcertante, ligne "H", devrait aider à résoudre le problème. Bon, ne soyons pas mesquins, elle est courte pour le moment, mais une fois terminée, elle va rendre service à bon nombre de Porteños. Elle n'est pas encore très fréquentée. Elle le sera, dés que la correspondance avec la station Corrientes sera effective. On peut regretter une présentation des plus austères des différentes stations, mais ...

... le 22 Mai 2003, un décret-loi ( le numéro 1 024), passé totalement  inaperçu, déclarait que cette ligne serait "Paseo Turistico-Cultural Subterraneo del Tango". Effectivement, il y a bien du tango dans le métro. Mais il faut lever les yeux. De grandes céramiques ornent les différentes stations. On peut regretter l'absence de vitrines, d'explications, voire simplement les noms des personnages, mêmes si la plupart sont parfaitement reconnaissables, mais cette initiative du gouvernement de la Ville de Buenos Aires, montre bien l'implication des politiques dans la promotion du Tango auprès des visiteurs étrangers. La station "Retiro", terminal du troisième tronçon (dont la date de début de travaux n'a toujours pas été fixée), sera entièrement dédiée à Astor Piazzolla. Affaire à suivre.

 

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Rencontre musicale dans un restaurant

 

Décalage horaire ou impatience mal gérée, j'arrive toujours trop tôt aux endroits prévus. Heureusement je me connais, et j'ai plein de petites adresses où je peux laisser filer le temps, de façon généralement plutôt agréable.  La Confiteria Ideal étant notre repère, et un restaurant http://www.almacensuipacha.com.ar/  (http://www.almacensuipacha.com.ar/final04_2007.swf  si vous êtes sous Firefox) excellent se trouvant à proximité, la conclusion s'impose d'elle-même ! Peu de changement au décor, un peu (beaucoup) axé touristes, mais curieusement que des Argentins ce soir là dans le restaurant. Il est vrai que la nourriture y est excellente. Un peu chère, mais excellente. Pas loin de l'entrée, un vieux bandéoniste crée l'ambiance. Entre deux bouchées, mon esprit reprend la main sur mon estomac, je prend conscience de la haute qualité de la musique proposée, et à la première pose du musicien, je vais faire connaissance. Petite conversation, un peu difficile du fait de mon espagnol rudimentaire et de son accent des plus prononcés, mais on arrive à se comprendre. A un moment, en parlant musique, je lui dis qu'un de mes bandéonistes préférés était Ciriaco Ortiz, et il me répond, d'un air détaché : "A oui je le connaissais bien, j'ai joué avec lui".

Là c'est le petit moment de stupeur, et je me dis que le vieux monsieur qui fait l'animation, est peut-être ... un Monsieur. Je lui achète un disque et me promets de faire une petite recherche.

 

Un "locutorio" plus tard, j'ai compris à qui j'avais eu à faire.

 

Enrique P. Quagliano est originaire du quartier de "Porque de los Patricio". Il commença à jouer, à 18 ans dans l'orchestre de Domingo Federico, puis dans tous les grands orchestres de l'époque, les plus connus étant ceux de Francisco Rotundo, Miguel Calo et Ricardo Tanturi. Après un bref séjour à New York, il intégra l'orchestre de Alfredo de Angelis. En 1984, il repartit à New York en compagnie de chanteurs célèbres, dont Roberto Rufino. Ses tournées l'emmenèrent à travers les USA et jusqu'à Puerto Rico. Il grava plusieurs disques, dont un avec Ricardo Martinez au Piano, le Maestro Rodolfo Alchourron à la guitare, et Horacio Blanc également à cet instrument. Il y présente plusieurs de ses compositions : les Tangos " U que se Yo", "Amor mio", "Empecemos de Nuevo", la Valse "Felicidad" et la Milonga "La Quemerita" qui donnera son nom au disque.

Un grande rencontre, sans le savoir, avec un grand Monsieur. Respect !

 

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Et aux "36 Billares"

 

Olga nous réserve une surprise. "Los 36 billares" est un de mes endroits de prédilection. Les shows de danse alternent entre des niveaux que l'on qualifiera gentiment d'"honorables", à très bons. Musicalement, c'est généralement le sans faute ; l'atmosphère est bon enfant. Ce soir là elle nous promet un concert de qualité. L'orchestre, "La Otra Verada", est emmené de main de maître par Carlos Golluscio. Dés le premier morceau, j'adhère totalement. Outre la qualité des musiciens et le raffinement des harmonies, une puissance et une rythmique formidable se dégage de ce groupe. En l'écoutant, je repense aux orchestres que j'ai pu entendre en France, et je comprend la différence : les attaques. Comme dans le jazz où les blacks parlaient d'une manière de "jouer blanc", il y une manière de jouer le tango qui ne s'apprend pas dans les conservatoires. Il est vrai que Carlos a de qui tenir : son père Rubben Golluscio, fut Directeur, arrangeur et premier bandonéon de l'orchestre "Octeto San Telmo". Hugo vient, sur certain morceaux, leur prêter sa voix. La nourriture est médiocre, le plaisir d'écouter est immense. Une excellente soirée, et une découverte, merci Olga.

 

Si vous avez l'occasion, ne les manquez pas :  http://laotraveredatango.blogspot.com/

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Un musée, une autre sorte de rencontre

 

Aller à la Boca, mon Dieu pour quoi faire ? On peut en effet se le demander tant le lieu est artificiel. Les marchands de peinture doivent y faire fortune, car, en deux ans, les façades colorées ont proliféré au point de rejoindre bientôt l'Estadio Alberto J. Armando, plus connu sous le nom de la Bambonera. Les rabatteurs eux aussi se sont multipliés, vous invitant à rejoindre de nombreuses terrasses, où un "Bife de Lomo Spécial Touriste" (c'est le même qu'ailleurs mais en nettement plus cher au kilo) est proposé, agrémenté d'un spectacle de Tango allant du médiocre au plutôt bon. Que faire donc à La Boca ? En fait, tel le Rouletabille moyen, j'enquêtais sur les traces du milliardaire célèbre, Aristote Onassis, qui avait habité ces lieux. Inutile d'en parler aux actuels habitants, tout au moins à ceux que j'ai pu rencontrer, ils ignorent tout de cet hôte illustre. En désespoir de cause, et puisque j'étais là, j'engage un petit escalier m'amenant au "Museo de Cera", le Musée de Cire.

 

Un peu ignoré des Anglo-Saxons buveurs de bière errant dans la rue en quête de l'horrible "Souvenir" à rapporter, preuve de leur passage, et de leur qualité de "connaisseur" de l'Argentine (vous avez remarqué, quelques un m'ont fortement énervé !), un superbe petit musée s'offrit à ma quête d'histoire et de culture. Des personnages grandeur nature, des évocations variées de l'histoire de l'Argentine, mais aussi des témoignages photographiques du passé du quartier de la Boca. La visite y est courte, mais incontournable. A la sortie, toujours avec mon Espagnol balbutiant, je fais connaissance avec le Directeur des lieux. Personnage affable, esprit ouvert, connaissance de l'histoire, Marcelo m'indiqua ce que je cherchais en vain depuis une demi-journée : la fameuse adresse de la maison d'Onassis. Toujours déficient en Espagnol (pourtant je me soigne), je n'ai pu trouver la maison indiquée, et Marcello eut la gentillesse d'abandonner son musée pour m'y conduire ! Un exemple parfait de tout ce que l'on aime chez les Argentins, une habile combinaison de gentillesse, de savoir-vivre et de culture. Pour finir, lui ayant dit mon intérêt pour le Fileteado Porteño, il me donna "La" bonne adresse d'un artiste à rencontrer le lendemain à la Feria de San Telmo.

 

Si vous passez à la Boca, allez le voir et visitez ce petit musée, ce n'est que du plaisir : http://www.museodecera.com.ar

 

 

Un peu perdus au milieu des restaurants et danseurs de tango, quelques percussionnistes de Candombe.

 

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San Telmo : "tout fout l'camp" dirait-on ...

 

Pourquoi San Telmo ? D'abord parce que j'avais prévu Mataderos le Dimanche d'avant et que la Feria ayant été annulé pour cause de mauvais temps, j'y étais néanmoins allé, sous la pluis, pour donner une photo, prise deux ans plus tôt, au patron du petit restaurant proche du Musée. Pas trop envie de faire une deuxième fois le voyage, et puis je dois rencontrer Adrian Clara.

 

Première étape : trouver Adrian. J'arrive assez tôt, vers onze heures avec l'objectif de manger sur place. Bon ! Apparemment rien n'a trop changé, l'homme immobile est en place, et les habituelles attractions installées. Il me semble que la partie située sous l'autoroute, et où se tiennent les bouquinistes, s'est un peu réduite. Avançons vers la place. Sacrilège ! Les habituels tangos qui viennent bercer nos oreilles en arrivant, sont remplacés par des guitaristes qui nous égrènent tout le répertoire classique. Et quand je dis classique, tout y passe de Mozart au ... "Concerto d'Aranjuez". Le vieux couple un peu miséreux qui danse habituellement est là sur le côté, désœuvré. Je fais un tour de place et repasse pour entendre, à nouveau, ...  le "Concerto d'Aranjuez". Commencent à m'énerver ! Je file en direction du Grand arbre central où doit se trouver "Adrian Clara". Effectivement, il est là. Un véritable artiste. Il peint sur place et presque à la demande (un peu de temps quand même). Je lui dis que je viens de la part de Marcello du Muséo de Cera : le visage s'éclaire. Je lui achète un petit panneau pour décorer la Milonga à Marseille, et repars me promener.

 

 

De nouveau le "Concerto d'Aranjuez" ! Je quitte la place et longe la rue principale. Un peu plus loin, un violoniste et un guitariste jouent en duo ... le "Concerto d'Aranjuez". Quatre fois en une heure et demi, c'est un complot. Je monte me réfugier au "Balcon" avec vue plongeante sur la Plazza Dorrego : http://www.elbalcondelaplaza.com.ar/.

El Indio doit venir, je pourrai faire quelques images, vues d'en haut.

 

 

Maldicion : plus de place, décidemment ce n'est pas mon jour. C'est vrai qu'il n'y a que deux tables au balcon avec vue sur la Feria. En insistant un peu, je m'installe quand même près d'un petit abattant. Obligé de faire lever mes voisins pour y arriver, la commande et les plats passent ... par la fenêtre. Le personnel de l'établissement s'amuse beaucoup en me voyant, mais la plus belle des miraradas, le sourire en plus, s'occupe de moi, et le repas devient plaisant. Merci Nathalia. Le spectacle coloré de la Feria, vue d'en haut, est un enchantement. J'engage la conversation avec un jeune colosse de la tablée voisine. Un Australien très sympathique en voyage de noce. Une bonne centaine de kilos au bas mot, et une solide descente : une bouteille de Champagne pour commencer, suivie d'un litre de Sangria pour continuer. A deux. Ils sont partis, lui et sa fiancée sans manger, ni tituber : belle performance. A noter qu'à force de baragouiner Espagnol depuis quinze jours, je me trouve dans l'impossibilité d'aligner trois mots en Anglais.

 

Maldicion ... deux, le retour ! Pas de El Indio ! Annoncé, la piste préparée, ses amis présents, il ne viendra pas. Dommage. Je repars sur la place. Beaucoup plus de stands Chiliens et Boliviens cette année. Les prix des bouquins et des cartes postales ont flambé : aussi cher qu'en France. Je me saigne un peu.

Avant de quitter les lieux, je vais faire un petit tour au Musée de San Telmo attenant à l'église. Les Argentins étant toujours égaux à eux-mêmes pour l'accueil et la courtoisie, une des dames m'accompagne dans les pièces, et me commente les œuvres exposées.

Je quitte les lieux en remontant "Defensa" où une brocante, qui n'a plus rien de touristique, s'étale sur un bon kilomètre. Bonne journée finalement.

 

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 Réflexions sur la Musique

"La musique est une pompe à gonfler l'âme"  Milan Kundera

 

En fait, ce qui a sauvé cette journée c'est la rencontre avec deux orchestres qui jouaient dans la rue. Le premier " El Afronte", était installé, juste devant l'église et l'entrée du musée. C'est des habitués, ils sont là tous les ans. Dix personnes, quatre bandos, tous de talent, un véritable concert en pleine rue. Cerise sur le gâteau, ils distribuent gratuitement des invitations pour la Milonga où ils vont jouer le soir. Ca y est, j'ai oublié le "Concerto d'Aranjuez". Après un long moment à écouter, je reprends ma marche et un peu plus loin, deuxième concert de rue : le groupe "Ciudad Baigon". Egalement excellent et là encore quatre bandos !. Avec la "Otra Vereda", mentionné plus haut, c'est trois orchestres que j'ai découvert ou redécouvert, qui vraiment démontrent pourquoi il faut faire le voyage à BA pour quiconque aime le musique en live : un niveau incroyable de qualité.

 

La Otra Vereda : http://www.myspace.com/laotraveredatango

El Afronte : http://www.elafronte.com.ar/

Ciudad Baigon : http://www.ciudadbaigon.com.ar/

 

Toujours côté musique, peu d'Electro-Tango. Les Argentins boudent. Ils n'ont pas totalement tort. La production est massive et souvent de piètre qualité, plus orientée Dance-Floor que tango (rentabilité oblige), et peu de titres survivront. C'est normal. Il en fut de même au début du tango. Il faut que le temps fasse son œuvre pour décanter cette production et que ne subsistent que les bons produits. Et pour le moment, une douzaine de titres, tous orchestres confondus échappent à la médiocrité. Le problème est qu'on les entend partout et c'est vite lassant. A la "Practica X", temple de la jeunesse et du Tango dit Nuevo (en termes de danse), on pratique essentiellement sur des classiques, plus Pugliese et suivant que le 1920, il est vrai. De plus, le Tango-Electro désoriente énormément les danseurs, l'accent étant transféré sur le temps faible (le 2) au lieu du temps fort (le 1) dans les tangos traditionnels. Nous en reparlerons. Bref une tendance générale allant plus dans la recherche d'harmonies nouvelles et d'interprétations rythmiques originales des classiques, que vers l'Electro qui attire plutôt les touristes. Laissons faire le temps, il est encore beaucoup trop tôt.

 

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Intimidé ... et Dégonflé !!!

 

Deux tangos mémorables pendant ce séjour. J'avais décidé de rencontrer Olga Besio, avec qui j'étais en correspondance depuis un moment. Rendez-vous pris dans sa Milonga, le contact est des plus agréables. Peu de monde, mais bonne ambiance, je suis trop content de rencontrer celle qui, en compagnie de son mari Gustavo Naveira, a été un de mes modèles à mes débuts en Tango. Je possède toujours les cassettes vidéos de leurs cours. Olga m'invite à danser ... Honorable dans ma prestation, je fais un Tango très moyen : trop impressionné par le personnage et l'instant. Un aboutissement en quelque sorte. Regarder Olga s'installer dans l'abrazo de son cavalier est déjà un spectacle, danser avec est un réel plaisir. Un bon moment, un grand moment pour celui qui vient épouser une culture qui n'est pas, à priori la sienne.

 

Quelques jours plus tard, fin de séjour, je suis réellement fatigué. Je vais boire un verre à la Confiteria La Ideal, puisque je viens de dîner dans le quartier. Je n'ai pas mes chaussures, et surtout aucune envie de danser. Mais comme  l'incroyable programmation des orchestres en ce lieu, fait qu'un groupe, officiant ce soir là, justifie le déplacement, je monte déguster tranquillement un whisky de fin de soirée. Toujours bien décidé à ne pas danser, je m'installe à une petite table retirée, coincé le long du mur. A deux pas de là, trois tablées joyeuses prennent photos sur photos. Je me pousse un peu pour faciliter l'exercice, échange de sourires.

 

Soudain, le maître des lieux interrompt la musique et signale la présence exceptionnelle de ... j'ai malheureusement perdu le nom, et sous un tonnerre d'applaudissements, le sollicite pour un démonstration. Un petit homme rond, assez âgé proteste, mais poussé par sa femme, accède à la demande et prend place sur la piste. Bon ! Encore un de ces petits hommages charmants à une ancienne gloire : c'est jamais de grande qualité, mais toujours émouvant. Erreur ! Mélangeant de façon originale Traspie et Canyengue, le tout agrémenté d'un incroyable jeu de jambes, j'assiste à la plus belle démonstration de Milonga jamais observée. Bluffé ! J'interroge le couple qui me confient être originaire du Nord (Salta ? je n'ai pas compris exactement du fait d'un accent assez prononcé) et avoir donné des cours de Milonga, bien des années auparavant. Dommage j'en aurais bien pris avec eux.

 

Une tanda de tangos est proposée par le DJ, et notre Maestro invite une petite dame blonde de la table voisine, visiblement très connue en ces lieux. Là, nouvelle démo, malgré le fait que notre homme soit, d'après lui, "très Milonga et très peu Tango". Difficile à croire. La tanda s'achève, applaudissements. Et survient LE problème.  La cavalière blonde se relève, traverse l'allée ... et viens m'inviter. Déjà le procédé est rare dans les milongas, et tout le monde la suit d'un regard un peu étonné.  La piste est quasiment vide, il sera bien difficile de passer inaperçu ! Rajoutez la splendeur et l'histoire de ces lieux et je commence à rentrer dans mes petits souliers, qui ne sont toujours pas de danse, rappelons-le.

 

Et bien oui, comme à mes débuts, je me "dégonfle" la-men-ta-ble-ment ! Invoquant les chaussures, la cheville qui fait mal, bref toutes les excuses navrantes du débutant terrorisé, j'essaye d'éviter l'exercice. Les trois tablées me regardent, impossible de décliner davantage, la danseuse me sollicitant avec insistance : "un seul tango au moins". Avec l'enthousiasme du condamné montant à l'échafaud, je m'aventure sur la piste. Damned ! La cavalière est toute petite : difficulté supplémentaire. Quelques secondes de gagnées en proposant l'abrazo (avec le recul, cela a du être interminable), encore quelques secondes avec un départ qui n'en finit pas, façon Gavito, et je me lance comme un naufragé ...

 

Trois pas, et le bonheur s'installe ! ... et s'entrouvrent les portes du Paradis. Ma cavalière s'inscrit dans mon guidage avec une précision diabolique ; sa mouvance accompagne de ses subtilités chaque raffinement de la musique ; les espace s'ouvrent, les propositions se succèdent, je me mets à danser. Mais pas comme d'habitude : à danser comme je crois je n'avais jamais dansé auparavant. Sans penser, sans calculer, sans savoir même ce que j'exécutais, je vivais probablement le plus beau Tango de ma vie. Je n'improvisais pas, l'improvisation s'imposait à moi. Instant divin.

 

Je raccompagne ma cavalière à sa chaise sous les applaudissements (tout ce qu'il fallait pour continuer de me mettre à l'aise), échange quelques poignées de main, fonce vers la caisse régler ma note, et ... m'enfuit précipitamment, tel le voleur d'oranges moyen. Il m'était évident que je ne pourrais réitérer ma prestation, et je voulais trop garder les sensations perçues sans les altérer par d'autres tangos moins réussis. L'ouvrage d'Henri Laborit "Eloge de la Fuite" me revint à l'esprit : la lâcheté peut être preuve de sagesse. En tout cas, deux avantages auront été tirés de l'expérience : ma tête a dégonflé et je me suis promis encore plus d'indulgence pour mes élèves débutants.

 

Les paroles de Gavito me sont revenues à l'esprit : "Tu ne seras Roi que si ta cavalière est Reine" ; autrement formulé : "Fais de ta cavalière une Reine et tu seras Roi". Dans le cas présent, je devais tout à ma danseuse. Elle m'avait fait Roi ... l'espace d'un instant.

 

Je suis rentré dans mon studio, et j'ai dansé seul devant la glace, fermant les yeux, essayant de retrouver les sensations, les rouvrant pour observer les modifications. Si j'ai beaucoup travaillé la Milonga Traspie à Buenos Aires, je n'ai pas travaillé le Tango ; pourtant toutes mes cavalières, à mon retour, m'on dit avoir été surprises par le changement d'Abrazo, de tenue et de guidage, le tout en mieux, c'est rassurant. Cette expérience peut commune et inoubliable, en a sans doute été l'élément déclencheur.

 

En tous cas, moi qui avait eu dans les bras, de très grandes danseuses professionnelles, jamais je n'avais ressenti une telle paralysie comme je l'ai éprouvé, avec Olga, et cette inconnue. Mystère du Tango.

 

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Et le Mundial de Tango ... ?

 

Incontournable : le Mundial !!! Moins de Monde cette année, mais quand même une belle affluence. Logé chez "Harods" pour la partie accueil, boutiques, cours et conférence, il s'éparpille dans la ville et dans les théâtres pour une programmation d'orchestres et de spectacles époustouflante. Vu de France on pense surtout au concours. Ce n'est qu'une toute petite partie de la manifestation. Tous les jours de multiples intervenants, dans tous les domaines, musique histoire, danse, etc ... offrent au public des prestations gratuites, de qualité, et peu accessibles en temps ordinaire. J'y passe plusieurs fois et sympathise avec certains membres de l'"Asociacion de Maestros Bailarines y Coreografos de Tango Argentino" qui co-organise l'évènement avec les autorités de la Ville de Buenos Aires. J'en profite pour m'y affilier. Un des membres qui fait de la recherche sur la transmission du Tango, s'intéresse à l'Institut de la Real Academia, et me demande nos programmes. Les Argentins trouvent d'une façon générale, l'idée excellente, et leur accueil est beaucoup plus favorable que celui reçu au début en France. La diversité des enseignements, l'intérêt porté à leur culture et la qualité des enseignants leur paraissent comme autant de points positifs à la mise en place de ce challenge.

 

Mon ami, le chercheur et professeur de Tango de surcroît, rigole quand je lui dit que le dans mon enseignement professionnel, j'annonce, comme une boutade, que le premier danseur de Tango s'appelait Newton. Il rigole parce qu'il dit exactement la même chose à ses élèves ! Ici on a conscience qu'avant d'"improviser" il faut maîtriser l'équilibre et la danse. En France on mets un peu la charrue avant les bœufs : on appréhende le Tango par le "ressenti", l'"improvisation", le "supplément d'âme", bref  beaucoup d'ésotérisme que l'on veut appliquer à des élèves qui ne sont pas encore sûrs que leur pied droit est bien au bout de leur jambe droite. "Bailar y romper los zapatos hasta sacarle la viruta al piso". Danser inlassablement. Travailler de longues heures les bases, avant de vouloir "inventer". Rien de bien secret finalement, et applicable à toute forme d'expression artistique, sauf ... quand on a affaire à un génie. Quelques maestros viennent se mêler à la conversation, tous sympathiques, ouverts et souriants. L'un d'entre eux me dit avoir passé deux ans, tous les jours, à ne travailler que la marche et la Salida ! Une bonne ambiance et de l'optimisme dans cette asso, même si, en aparté, certains me confient leurs craintes devant une mainmise de l'Administration sur le Tango, et la prolifération dans la ville de pseudo enseignants de piètre qualité.

Ça me rappelle quelque chose ...

 

Je profite des boutiques pour acheter un sac, peint à la main, pour ma cavalière, et repart mi confiant, mi inquiet de ces dernières confidences. Bon l'Unesco est en passe de classer le Tango "Patrimoine immatériel de l'Humanité", tout n'est pas perdu ! Et puis j'ai dans mes valises quelques kilos de documents confiés par des Universitaires et Historiens de Buenos Aires : encore de nouvelles découvertes, de nouveaux plaisirs, de nouveaux challenges en perspective. Certes beaucoup de travail, encore et encore, mais ...

 

"Choisissez un travail que vous aimez, et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie"    Confucius

 

A bientôt Buenos Aires, à l'année prochaine ...

 

 

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